Isabelle Morasse, chargée de cours à l’UER des sciences de l’éducation
7e fille du fondateur de « Morasse Poutine », je suis née en 1969, à Noranda-Nord. Expatriée cinq ans à Sherbrooke pour un baccalauréat et une maitrise en enseignement, je suis revenue à Rouyn pour travailler au laboratoire de recherche en petite enfance de l’UQAT. En 1994, j’ai donné mon premier cours à l’université pour remplacer un professeur. Ce fût un coup de foudre, et le début d’une carrière pétillante où j’ai eu l’opportunité de participer à la formation de plusieurs générations d’enseignants du primaire et secondaire de toute la région incluant les communautés algonquines. Pendant douze ans, j’ai été impliquée au syndicat des chargés de cours, dont huit ans comme présidente. J’ai eu l’Incroyable privilège d’être conseillée par le légendaire Paul Rose, avec qui j’ai vécu une négociation mémorable. À travers cette activité, j’ai aussi fait ma marque dans le monde culturel en créant dix comédies musicales jouées sur les scènes de la région dont une, « La petite fille aux allumettes » a été nominée au gala de l’ADISQ en 2005. J’ai ponctué mon travail à l’université par plusieurs contrats d’enseignement de la maternelle jusqu’au cégep, et j’ai fondé « Gymfun », une prématernelle centrée sur l’activité motrice. J’ai également créé vingt-quatre pièces de théâtre pour les élèves du primaire dans le cadre d’un projet de recherche-action consacré à la fluidité en lecture. J’ai donné naissances à trois beaux garçons et je suis maintenant grand-mère de trois petites filles adorables. Je vis depuis plus de trente-cinq ans avec mon conjoint, enseignant au cégep, avec qui je partage l’amour des voyages et de la lecture, mais surtout la passion de l’enseignement.
Qu’est-ce que vous aimez le plus dans vos activités reliées à l’enseignement?
Je suis une personne profondément libre. Être chargée de cours est pour moi, la meilleure profession parce qu’elle me permet d’exercer le métier d’enseignant sans les réunions. J’aime le côté clair de mon mandat : J’enseigne 45 heures de cours, je remets mes notes et je suis payée pour ce travail. Ainsi, je suis indépendante dans la gestion de mes tâches et ça me plait beaucoup. Comme je suis très organisée, j’ai pu enseigner tout en élevant mes trois enfants sans service de garde, faire de la recherche et participer à la vie culturelle de Rouyn-Noranda. Comme je suis ennuyée par la routine, la carrière de chargée de cours m’a parfaitement convenu car j’ai eu à relever des défis stimulants comme l’enseignement aux algonquins et aux inuits.
Comment s’est passée votre première charge de cours à vie?
J’avais 24 ans, on m’a demandé de remplacer un professeur à un mois d’avis. J’étais plus jeune que toutes mes étudiantes qui étaient des enseignantes en perfectionnement. Je me suis sentie tout de suite bien dans la relation avec les étudiantes, certainement aidée par le fait que le sujet du cours était directement lié à ma maitrise. J’ai tellement aimé l’expérience que j’ai mis de côté mon projet de doctorat, pour finalement choisir la carrière de chargée de cours plutôt que celle de professeure.
Comment percevez-vous le rôle de l’université dans notre société?
Concrètement, en Abitibi-Témiscamingue, l’université répond à des enjeux de développement cruciaux. Dans mon domaine, la région a un gros retard de scolarisation à rattraper et j’ai toujours eu conscience que l’université donnait plus que des cours; elle ouvre la conscience de la population et leur donne les clés pour participer à l’amélioration de la région dans différents domaines. À Rouyn-Noranda, il y a environ 20% de la population qui détient un diplôme de premier cycle universitaire. Face à l’industrie minière, une population scolarisée est une barrière plus difficile à transpercer concernant l’acceptabilité sociale de plusieurs projets parfois douteux.
Quels projets de recherche menez-vous ou participez-vous comme chercheur ou chercheuse présentement?
J’ai récemment participé à la recherche sur la valorisation de la profession enseignante sous la direction de Geneviève Sirois de la TÉLUQ et deux chercheurs de l’UQAT. J’ai contribué à la rédaction de plusieurs articles tirés de la synthèse des entrevues liées à cette recherche auprès de plus de 2000 personnes du domaine de l’enseignement primaire et secondaire en Abitibi-Témiscamingue/Nord-du-Québec. Le principal constat de ce portrait est que les enseignants perçoivent que le gouvernement n’est pas conscient de la réalité vécue en classe, qu’il propose des changements sans consulter les principaux intéressés et sans se baser sur la science. Cette recherche est unique dans le sens où elle a réuni un groupe, le GRAVE, composé d’acteurs de tous les secteurs de l’enseignement : Université, CÉGEP, Étudiants, Enseignants, Directions des centres de services scolaires et Syndicats.
Avez-vous des publications ou des présentations récentes, scientifiques ou non, que vous aimeriez partager et résumer?
Avec deux collaborateurs, j’ai créé 24 pièces de théâtre pour améliorer la fluidité en lecture chez les élèves de 1ère à 6e année. La collection « Lire pour jouer » est dans les classes de presque toutes les écoles de Rouyn-Noranda et plusieurs écoles du Témiscamingue et de Chibougamau. Cette série de pièces de théâtre est le fruit de trois ans de recherche-action dans une école du quartier Beaudry. C’est un outil qui permet aux élèves de travailler la fluidité en lecture via une activité ludique. La lecture théâtrale a pour effet de stimuler les fonctions acoustiques qui sont à la base de la formation d’images mentales, essentielles à la compréhension d’un texte. Les élèves de l’école Kekeko ont été suivis dans cette expérience et la pratique de la lecture théâtrale a engendré une spectaculaire augmentation de leurs résultats aux examens de compréhension en lecture en fin d’année. La direction des services éducatifs du centre de services scolaires de Rouyn-Noranda a été informée de cette recherche et a recommandé cet outil à l’ensemble de ses écoles.
Quel rêve aimeriez-vous réaliser?
Comme je suis aidante naturelle auprès de ma vieille maman de 91 ans, je suis très touchée par les difficultés que vivent les personnes âgées en perte d’autonomie. Je suis bouleversée de constater que le quotidien de beaucoup d’ainés est d’un ennui mortel! Je rêve donc à une vieillesse exquise, avec mes amies de longue date, dans un lieu bucolique où les enfants côtoient les personnes âgées.
Avez-vous un talent particulier?
J’aime beaucoup aider les élèves en difficulté. En soutien individuel, je suis particulièrement douée pour « débloquer » les troubles en lecture. J’ai beaucoup de connaissances et de stratégies pour contrer les difficultés, mais selon certaines collègues qui m’ont observée, mon secret réside dans mon rire. Quand les enfants déclenchent cette source de pure joie, ils sont portés par mon enthousiasme et s’engage tête première dans l’action.
Est-ce qu’il y a un défi que vous aimeriez relever?
J’ai déjà marché de longs segments de la route de Compostelle, mais j’aimerais réussir à marcher au complet et d’un seul trait, la route la plus ancienne, celle qui part du Puy-en-Velay jusqu’à st-Jacques de Compostelle.
Quel est le meilleur conseil que vous avez reçu?
Un jour Paul Rose m’a dit : « Dans la vie, l’important, c’est d’expirer ».