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Nous vous invitons à entrer dans l’univers de Massimiliano Zanoletti, secrétaire-trésorier au SCCCUQAT, chargé de cours à l’École de Génie et ardent défenseur des causes sociales et environnementales. 

Tout d’abord, pouvez-vous vous présenter? 

Je suis originaire de Brescia, une petite ville dans la région des lacs du nord de l’Italie. J’ai fait mes études d’ingénieur à l’École Polytechnique de Milan, où je me suis diplômé en 2001 après une expérience extraordinaire d’échange de deux ans à la Polytechnique de Montréal, où j’ai obtenu ma maitrise. Avec Montréal dans le cœur, je suis rentré en Italie, parce que le travail m’appelait. Un mois après mon diplôme, j’ai commencé mon emploi chez ENI (c.-à-d. Agence nationale pour les hydrocarbures) en tant qu’ingénieur des procédés au centre de recherche sur le raffinage du pétrole. J’ai passé trois ans merveilleux en Sicile, où j’ai pu approfondir mes connaissances techniques et développer d’autres compétences en gestion de projet et leadership. Cependant, la nostalgie de mon séjour à Montréal a gagné sur la sécurité d’emploi et après avoir démissionné en 2004, je suis parti à nouveau pour Montréal, où m’attendait un projet de doctorat auquel je me suis dévoué pendant les cinq années suivantes. En 2010, l’occasion d’enseigner à l’université s’est présentée à ma porte. C’était le rêve d’une vie qui se concrétisait finalement à l’UQAT. Depuis ce temps, je travaille avec enthousiasme et acharnement à l’École de génie de l’UQAT, en donnant jusqu’à présent dix-huit cours différents au premier et au deuxième cycles. Après avoir complété avec succès le microprogramme de deuxième cycle en pédagogie de l’enseignement universitaire et collégial, j’ai commencé à explorer la recherche en pédagogie du génie, pour laquelle j’ai ressenti très rapidement un fort intérêt. En même temps, mon implication sociale est devenue de plus en plus un incontournable de mon quotidien. Bénévole et formateur pour le GRIS Montréal (organisme communautaire qui a comme but la démystification de la diversité sexuelle et de genre dans les écoles), membre du comité de diversité sexuelle et de genre de l’UQAT, ainsi que de celui de la FNEEQ, secrétaire-trésorier du syndicat des chargées et chargés de cours de l’UQAT, il ne me reste pas beaucoup de temps à dédier à ma vie personnelle. Cependant, je sais que j’ai encore des pages blanches à écrire dans mon avenir et j’ai bien hâte de les découvrir. 

Pourquoi avez-vous choisi d’enseigner à l’université? 

Tout au long de mon parcours scolaire, mes professeur·es m’ont souvent félicité pour ma capacité à expliquer de façon simple les concepts les plus complexes.  Je me rappelle, par exemple, que ma maîtresse de l’école primaire m’a demandé en quatrième année d’expliquer le système solaire et la naissance des étoiles à mes copains. Je trouvais cela intrigant de pouvoir partager mes connaissances avec d’autres personnes. Ensuite, quand j’ai commencé ma première année d’université à Milan, je me suis retrouvé entouré d’excellent·es professeur·es, avec une culture générale très vaste et une connaissance approfondie de la matière enseignée. C’est à ce moment que j’ai compris que je voulais devenir professeur, pour pousser ma connaissance le plus loin possible et pouvoir la transmettre à d’autres personnes afin de susciter l’intérêt et la curiosité que moi-même j’avais ressentis quelques années plus tôt. 

 

Comment percevez-vous votre rôle d’enseignant·e universitaire dans notre société? 

J’ai toujours considéré l’enseignement comme un privilège, plutôt qu’un travail. Le transfert des connaissances, mais surtout la possibilité de former les futurs ingénieurs, représente pour moi l’objectif primaire de ma profession. Et plus qu’une profession, je considère cela comme une responsabilité vis-à-vis de la société. La révolution numérique a complètement transformé la profession d’ingénieur et les étudiants actuels qui entreront dans le monde du travail dans cinq ou six ans devront faire face à des défis que j’ignore probablement aujourd’hui. Pour cette raison, j’insiste sur le concept de responsabilité : celle de se tenir à jour continuellement; d’explorer de nouvelles formes d’enseignement pour trouver un point de contact avec la génération actuelle d’étudiants; d’approfondir l’usage des nouvelles technologies, en faisant preuve de beaucoup d’imagination. À titre d’exemple, on comprend facilement que l’AI sera l’une des technologies de demain, mais il est peut-être moins clair dans mon esprit comment cela changera notre travail de tous les jours dans 15-20 ans. 

 

Quelles sont vos implications à l’université et au syndicat? 

Je fais partie de plusieurs comités à l’UQAT et de nombreuses associations au Québec et au Canada. Je pense que l’exercice de la réflexion collective est important et donne des résultats extraordinaires. J’aime partager mes opinions, que ce soit sur l’évaluation des enseignements, sur l’équité, la diversité et l’inclusion, sur l’enseignement en général. Malheureusement, j’ai un tempérament italien, qui fait en sorte que, parfois, je partage mon opinion de façon soutenue. Je profite de l’occasion pour m’en excuser. Le syndicat découle directement de ma vision politique et sociétale. En tant que personne de gauche, avec une sensibilité accrue pour les droits et le bien-être des travailleurs, je ne pouvais pas ne pas m’impliquer. De plus, le rôle de secrétaire-trésorier me colle bien, en étant moi-même assez rigoureux et soucieux du détail. 

 

Quelles sont vos implications à l’extérieur de l’université? 

À l’extérieur de l’université, mon activité principale est le bénévolat pour un organisme qui s’appelle GRIS-Montréal, dont je suis aussi formateur pour les nouveaux bénévoles. En tant que personne gaie, la condition de précarité que vit aujourd’hui la communauté 2SLGBTQIA+ me désole. Malheureusement, les chiffres nous indiquent que le niveau d’acceptation de la diversité sexuelle et de genre au Québec a reculé de plus de 20 ans par rapport au présent. Avec le GRIS-Montréal, nous nous battons contre l’homotransphobie de la manière la plus simple et puissante possible, c’est-à-dire en défaisant les préjugés et les stéréotypes en parlant de nous. En répondant aux questions des étudiantes et des étudiants sur notre vécu avec honnêteté et franchise, les jeunes cessent de nous voir comme une catégorie, une orientation sexuelle, une lettre de l’acronyme LGBTQ, mais nous perçoivent en tant que personnes, dont les sentiments, les craintes et les émotions ressenties pendant l’adolescence ne diffèrent que très peu de celles qu’ils vivent en ce moment. Quand je me rends compte, après une rencontre de 90 minutes, d’avoir agit positivement sur la perception de la diversité de quelques étudiantes ou étudiants de la classe, je suis heureux parce que je ressens avoir contribué un tout petit peu à modifier en mieux notre société. Jusqu’à présent, j’ai fait plus de 300 rencontres dans les écoles primaires, secondaires, cégeps, universités, groupes d’insertion sociale, de francisation au Québec, en rencontrant environ 8,000 jeunes. De plus, j’ai contribué à former pas moins de 200 bénévoles au Québec et en Ontario. 

 

Quels sont votre domaine et votre expertise de recherche? 

La thématique environnementale est au centre de mes projets de recherche. Bien que dans les dernières années, mon activité se soit focalisée surtout sur l’enseignement en tant que chargé de cours à l’UQAT, j’ai continué à m’intéresser aux catalyseurs de combustion, sujet de ma thèse de doctorat. La catalyse, c’est-à-dire l’accélération ou la réorientation de la cinétique de réaction au moyen d’un catalyseur, et dans certains cas la sélectivité pour diriger la réaction dans un sens privilégié, est un sujet pluridisciplinaire, qui touche, bien évidemment le génie chimique, mais aussi le génie minier, en particulier le traitement des eaux usées et la combustion des effluents gazeux, ainsi que tous les aspects thermiques du génie mécanique, à partir des cycles de puissance aux moteurs, jusqu’à l’optimisation énergétique des procédés industriels. Récemment, avec la collaboration du professeur émérite François Godard, j’ai exploré la rhéologie des matériaux biocomposites, sujet que je trouve particulièrement stimulant. Enfin, au fil des dernières années, j’ai développé un fort intérêt pour la pédagogie du génie. La participation aux congrès de l’Association canadienne d’éducation en génie, les collaborations enrichissantes avec la professeure Nicole Robert et Maxime Mailloux, la possibilité d’accéder aux fonds de perfectionnement et au fonds de pédagogie universitaire m’ont permis de développer plusieurs projets et idées, que j’espère pouvoir mettre en pratique à l’UQAT. 

Quel autre métier auriez-vous aimé faire? 

Avant de m’inscrire à la faculté d’ingénierie, j’avais pris en considération la possibilité de m’inscrire en mathématiques ou en physique. Aujourd’hui, je peux affirmer que si je n’étais pas devenu ingénieur, je serais sans doute un physicien. La physique est ma grande passion. Quand j’ai un petit peu de temps libre, pour me relaxer, je lis des articles de cosmologie, sur la mécanique quantique ou sur la relativité générale. Avant de me coucher, j’ai quelques chaines YouTube que je regarde régulièrement : Brian Cox, Roger Penrose (mon idole), Carlo Rovelli, Amedeo Balbi. Ce sont des astrophysiciens qui ont dédié toute leur vie à comprendre l’univers et la réalité qui nous entoure. Il n’y a rien de plus intrigant que savoir comment l’univers s’est formé et a évolué, comment il est structuré, où l’on s’en va. Ça fait peut-être un peu nerd, mais ça permet aussi de rêver. Étudier la physique fondamentale permet de remettre en cause les concepts primordiaux d’espace et de temps, de libre arbitre et de destin. Toutes ces notions ont fortement modelé mes convictions sur la vie. Par exemple, je crois fortement à l’éternalisme einsteinien, selon lequel le passé, le présent et le futur représentent un bloc unique d’espace-temps à travers lequel nous menons notre existence, avec l’illusion d’être libres de choisir notre destin. Mon plus grand regret serait de mourir avant la découverte d’une théorie crédible de la gravité quantique. Quel dommage ce serait!

Quel est votre film favori? 

Sans doute « 2001 : L’Odyssée de l’espace » de Kubrick. Je ne sais pas combien de fois je l’ai vu et chaque fois qu’un cinéma le repropose, j’y vais! Précis dans les détails scientifiques, clairvoyant sur le futur, encore extrêmement actuel quand on pense à l’AI. Une réflexion sur l’origine de l’espèce humaine, la vie et la mort. En d’autres termes, un chef-d’œuvre. 

 

Quelle est votre lecture favorite? 

C’est difficile de donner juste un titre, donc je vais en donner plusieurs. 1 : « Le Docteur Jivago » de Boris Pasternak. Une œuvre grandiose et poétique, offrant un regard passionnant sur le vingtième siècle, la société russe et sur l’homme. 2 : « Bonheur d’occasion» de Gabrielle Roy. Quand je l’ai lu, j’habitais le quartier Saint-Henri à Montréal. 3 : « Le Désert des Tartares » de Dino Buzzati, qui traite de la fuite du temps et de l’attente vaine d’une reconnaissance méritée. 

 

Avez-vous une passion pour laquelle vous ne comptez pas les heures? 

Je suis passionné de design : meubles, lampes, décoration d’intérieur. Chaque fois que j’ai l’occasion, je vais visiter des foires ou des expositions de mobilier et quand je suis en Italie, j’aime fréquenter les marchés d’antiquités, où il n’est pas rare de trouver de très beaux objets de style Mid-Century Modern ou Bauhaus.  

 

Qu’est-ce qui vous met en colère? 

Surtout la stupidité. Carlo Maria Cipolla, économiste italien et auteur du traité « Les lois fondamentales de la stupidité humaine », disait à ce propos : « L’individu stupide est le type d’individu le plus dangereux ». Et encore : « Les êtres raisonnables se demandent souvent pourquoi et comment les gens stupides peuvent atteindre une position de pouvoir et d’éminence ». Mon opinion à ce propos est assez pessimiste. Quoi qu’on fasse,, on ne l’emportera jamais sur la bêtise humaine et c’est surtout cette impossibilité d’agir qui me frustre et me met en colère. Mais bon, heureusement, il y a d’autres choses dans la vie pour lesquelles on peut se réjouir…